L’autonomie financière des collectivités territoriales

L’autonomie financière des collectivités territoriales désigne la capacité de ces collectivités à bénéficier de ressources propres. Cette autonomie constitue une déclinaison du principe de libre administration des collectivités dans le domaine budgétaire et fiscal. Elle a été introduite dans la Constitution par la révision du 28 mars 2003 à l’art. 72-2 C, puis a été juridiquement définie dans la loi organique du 29 juillet 2004, notamment en ce qui concerne la nature de “la part déterminante” des ressources dont elles doivent disposer pour pouvoir être considérées comme financièrement autonomes (ce seuil correspond au ratio d’autonomie de 2003 : 60 % pour les communes et les départements, 40 % pour les régions). La récente réforme de la taxe professionnel fait craindre cependant une perte de pouvoir fiscal menaçant, à terme, l’autonomie financière des collectivités territoriales. 

1/ L’autonomie financière des collectivités territoriales s’inscrit dans le cadre plus général du principe de libre administration défini à l’art. 72 al. 3 C. 

a) Selon cet art. 72 C relatif aux collectivités territoriales : 

“Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences.”

Si cet article garantit la libre administration des collectivités territoriales, il ne garantit pas l’autonomie financière au sens où le législateur, dans le cadre de la décentralisation, pouvait déléguer des compétences nouvelles aux collectivités territoriales, sans pour autant allouer les ressources correspondantes. Il était également en mesure de décider la suppression de certains impôts locaux (les droits de mutation à titre onéreux en 1999, la part régionale de la TH en 2000 ou la vignette automobile en 2001). Pour cette raison, les élus locaux ont réclamé une garantie constitutionnelle permettant aux collectivités territoriales de bénéficier d’un certain niveau de ressources propres et d’obtenir une compensation de tout nouveau transfert de compétences décidé par le législateur. 

b) La révision de 2003 a donc introduit l’art. 72-2 C dispose que : 

“Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.  

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine.  

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre.  

Tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.  

La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales.”

Cinq grands principes peuvent donc être dégagés : 

  • la liberté d’utilisation des ressources par les collectivités territoriales, condition d’une liberté d’administration effective ; 
  • une marge de manœuvre dans la fixation des taux et des assiettes des impositions : elle reste toutefois encadrée par la loi, puisque le niveau des taux appliqués aux impôts locaux, ainsi que leur progression, sont limités ; 
  • le caractère “déterminant” des ressources propres dans le budget local : il renvoie de manière assez floue, à l’autonomie financière des collectivités par rapport à l’Etat ; 
  • la compensation des transferts de compétences : lorsque, en vertu des lois de décentralisation, l’Etat transmet à une collectivité territoriale une part de ses attributions, il doit également leur fournir les moyens de supporter cette nouvelle charge ; 
  • la péréquation : l’Etat doit rechercher une certaine égalité entre les collectivités territoriales par des dispositifs de transferts de ressources. 

c) La loi organique du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, prise en application de l’art. 72-2 C, définit un plancher de ressources propres en deçà duquel le degré d’autonomie financière des collectivités (mesuré par le rapport ressources propres sur ressources totales) ne peut descendre et qui est celui du niveau atteint en 2003. 
Cette loi organique de 2004 précise également que : 

“Toute création ou extension de compétence ayant pour conséquence d’augmenter les charges des collectivités territoriales est accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi.”

Le législateur peut imposer de nouvelles obligations aux collectivités territoriales, mais à condition qu’il veille à ce qu’elles bénéficient de ressources compensatrices aux nouvelles dépenses. 

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2/ La question de l’autonomie financière des collectivités territoriales continue toutefois de se poser. 

a) La suppression de la taxe professionnelle prévue en 2010 et son remplacement par la Contribution économique territoriale (CET) en 2011 a soulevé de nombreuses inquiétudes parmi les élus locaux, notamment en ce qui concerne la question de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales normalement garantie par l’art. 72-2 C. Cela a donné lieu à une saisine du Conseil constitutionnel qui a considéré qu’il ne résultait d’aucune disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie fiscale (CC, 2009, Loi de finances pour 2010).

Sur les 30 Mds € que rapportait la TP, seuls 65 % sont compensés par des recettes fiscales, le reste étant alloué en subventions par l’Etat. Les élus locaux votent le taux de 30 % du nouvel impôt, alors qu’ils votaient les taux de toute la TP auparavant, ce qui traduit donc une perte de liberté fiscale dans la fixation des taux

b) Le ratio d’autonomie est également l’objet de débats. Le taux plancher fixé pour les ressources propres qui correspond à celui de 2003 se traduit par un ratio de 60 % environ des ressources totales pour les communes et les départements et de 40 % pour les régions (pour 2010 ce ratio est respectivement de 62, 66 et 56 %). Ces proportions, très différentes, devront à l’avenir être maintenues lors de tout nouveau transfert de compétences. Or, outre le fait que les différences de taux n’ont aucune justification rationnelle, ceux-ci ne prennent en compte ni la part des ressources fiscales propres, ni la diminution possible des dotations de l’Etat (qui conduirait mathématiquement à rehausser le ratio d’autonomie financière). 
Toutefois, ce seuil plancher oblige l’Etat, au cas où l’autonomie financière des collectivités territoriales serait menacée, de prendre des mesures de correction dans la loi de finances de l’année suivante. Il revient au Conseil constitutionnel de contrôler que les lois de finances assurent une part déterminante de ressources propres aux collectivités territoriales et procèdent bien, le cas échéant, aux corrections nécessaires à son effectivité.

c) La péréquation constitue un pendant au principe d’autonomie financière. Selon l’interprétation qu’on lui donne, elle peut constituer une entrave à la libre administration ou bien une condition de l’autonomie financière. Le Conseil constitutionnel, qui en a fait par ailleurs un objectif à valeur constitutionnelle, a jugé que sa mise en place n’était pas contraire au principe de libre administration (CC, 1991, Dotation de solidarité urbaine). La révision de 2003 a constitutionnalisé la péréquation afin de concilier le principe de liberté avec celui d’égalité en l’inscrivant à l’art. 72-2 C al. 5
La péréquation désigne la correction des inégalités de ressources entre collectivités, à niveau de charges obligatoires comparables. Il en existe deux sortes : 

  • la péréquation verticale : elle intervient principalement par le biais de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et consiste à distribuer aux collectivités locales des dotations dont le niveau est d’autant plus élevé que leurs ressources sont faibles ; 
  • la péréquation horizontale : elle consiste à opérer un prélèvement sur les ressources des collectivités territoriales les plus favorisées pour en redistribuer le produit aux collectivités qui le sont moins.